La Paz terminée, nous disons au revoir à l'altiplano, son froid et ses hautes altitudes pour redescendre dans la plaine de Santa Cruz de la Sierra, à l'est du pays.
Nous passons une première nuit dans la ville de Santa Cruz, loin des chaleurs habituelles mais avec une température plaisante due à l'averse de la journée.
Dès le lendemain, nous partons vers l'est et la région de Chiquitana avec Saul notre guide et biologiste de métier, et Dorita, une touriste bolivienne. Sur la route, nous observons beaucoup d'exploitations agricoles d'élevage. Les bœufs vivent sur de vastes étendues. Celles-ci sont en partie responsables des incendies que connaissent le Brésil et la Bolivie, notamment. Chaque année, au cours de la saison sèche, en août, les agriculteurs déclenchent des feux de forêts pour "nettoyer" le terrain afin de venir faire pâturer les troupeaux. Cette pratique est catastrophique pour la planète car détruit volontairement et involontairement des millions d'hectares de forêts primaires, dans les zones écologiquement les plus riches de la planète. Cette année, au moment où nous parlons, la Bolivie a perdu environ 4 millions d'hectares de forêt. Il convient de noter que cette pratique est encore moins durable qu'à première vue, car les sols brûlés ne sont plus exploitables environ 25 ans après, et sur ces sols, plus aucune végétation ne repousse, donc la forêt perdue ne se réformera jamais.
Après avoir croisé de nombreux Nandous, oiseau de la famille de l'autruche vivant en Amérique du Sud, de nombreuses forêts brûlées, nous arrivons à San José de Chiquitos.
Cette ville à l'ambiance paisible, a pour principal intérêt son Église, l'une des principales églises des missions jésuites, classées au patrimoine mondial de l'UNESCO.
Ces églises ont été construites au XVIII ème siècle par des missionnaires jésuites, qui sont parvenus par ce biais à fonder des communautés dans des régions reculées du pays. Ils ont ensuite été chassés des colonies espagnoles en 1767. Depuis, les églises ont été restaurées par artisans et historiens pour leur rendre toute leur splendeur.
L'existence des missions jésuites est restée dans l'ombre pendant deux siècles, jusqu'à être mise en lumière au cinéma, par le film Mission de Roland Joffé, palme d'or au festival de Cannes en 1986.
Pour l'anecdote, le surnom Chiquitanos fut donné à la population par les espagnols car il signifie "petit peuple". Les colons étaient très surpris par les portes basses des habitations.
Après un repas et un tour sur la place principale, où logent dans les arbres, deux espèces magnifiques de toucans, nous prenons la direction du sud, vers la Région du Gran Chaco. 67 kilomètres de pistes séparent San José et le Parc National Kaa Iya Del Gran Chaco. Notre destination pour 4 jours.
Ce parc national est le plus grand parc national de l'Amérique du Sud. Il a vocation de protéger le Gran Chaco bolivien, une immense plaine où se dresse la dernière forêt tropicale sèche mondiale. Le Gran Chaco descend jusqu'au Paraguay et l'Argentine mais ses forêts ont pratiquement toutes disparues pour l'élevage et la culture de soja.
Après un beau point de vue sur la plaine de San José, nous pénétrons dans une forêt tellement sèche que peu de végétation est encore verte.
Nous arrivons au campement des rangers de Tucavaca. Un des lieux principaux où vivent les hommes assurant la protection du parc national. Ici, les logements seront plus que sommaires. Il faut également éviter les "petits" habitants des lieux qui pourraient nous faire passer de mauvais moments, comme des mygales. Une se balade justement dans l'habitation des rangers.
Nous sommes enfin prêts pour découvrir la faune du parc et partons dans notre 4x4 pour une première expédition nuptiale. Il est 21h30 et nous rentrerons vers minuit. L'observation à la lumière des phares n'est pas aisée. Finalement ce soir, nous verrons deux petits marats et un gros tapir terrestre.
Le lendemain, c'est réveil très matinal pour vivre les premières lueurs dans le parc. La matinée sera particulièrement prolifique car nous verrons le tant attendu jaguar. Il a traversé la piste avant notre passage. L'ayant vu, nous avons arrêté le véhicule et tenté de le faire s'approcher grâce à une enceinte et à une bande son avec des bruits de jaguar. Il est revenu sur la route, et est resté là, immobile devant nous. Quelle sensation incroyable d'avoir la chance de voir le fauve dans son milieu naturel ! Un moment mémorable !
La matinée nous a permis de voir un renard ainsi que plusieurs espèces d'oiseaux.
Nous sommes rentrés pour le petit déjeuner vers 10h, puis avons eu un moment de repos pour tenter de rattraper le sommeil du matin.
Vers 16h30, après un copieux repas, nous repartons dans la jungle de Kaa Iya pour un nouveau safari, jusqu'à tard dans la nuit. Peu de choses en vue comparé à la merveilleuse rencontre du matin. Il faut savoir que la végétation dense empêche d'avoir une visibilité optimale. Il est en effet possible de voir un animal au sol que s'il traverse la piste. Nous découvrons des singes, les Titis du Chaco, des reptiles, ainsi qu'un super couple de hiboux venu chanter à la tombée de la nuit. Nous faisons un arrêt en route pour faire un petit apéritif dînatoire avec un très bon Cabernet-Sauvignon...au milieu du parc, sans véritable éclairage pour éviter d'attirer les insectes. Nous ne sommes pas complètement rassurés mais Saul nous dit qu'il y a aucune chance qu'un jaguar vienne nous rendre visite. Il nous raconte des anecdotes de ses balades en forêt accompagnées de rencontres terrifiantes, ce qui ne nous rassure pas plus. En revanche, nous profitons ici d'un ciel on ne peut plus clair et en profitons pour observer les étoiles. Lors de cette sortie, nous regardons tous les pièges photo pour tenter de pister les animaux : jaguars, pumas et tapirs. Sans résultat pour ce soir, mais l'activité est vraiment prenante. Nous manquons de peu un jaguar et un ocelot, vus au loin mais ayant quittés la piste à notre passage.
Le lendemain, nous sortons du "lit" vers 5h30. Aujourd'hui, nous traversons le nord du parc de l'est vers l'ouest, jusqu'au camp d'Isoso. Les 200 kilomètres aller-retour nous prendront la journée. Au cours de la journée, nous verrons beaucoup d'oiseaux dont de sublimes perroquets (Amazones), des cerfs dont l'un chassé par un puma sans que nous ne puissions vraiment distinguer le puma à pleine vitesse dans la végétation. Nous faisons une halte au refuge du camp pour manger et se reposer puis repartons vers Tucavaca en fin d'après-midi pour un retour vers 2h du matin. Sur la route, un travail de pistage nous occupe toujours entre Caméra trap, observation d'empreintes et reconnaissance de crottes. La soirée n'est pas aussi prolifique que prévu malgré un long moment, improductif, passé pour attirer un jaguar. A notre retour, nous avons la chance de voir un gros tapir venu boire dans un petit point d'eau au milieu du camp. Une belle récompense, meilleure que la mygale venue se promener dans notre dortoir !
Nous nous préparons donc à quitter Kaa Iya. Après l'observation de quelques oiseaux autour du camp, en route vers Samaipata, notre prochaine étape. Sur la route nous faisons un arrêt dans la petite ville de Cotoca, juste avant Santa Cruz. Cotoca est célèbre pour son cadre agréable différent de la grande métropole, mais surtout pour ses paresseux qui habitent les arbres de la place principale. Il est ainsi aisé de les observer à condition de les trouver dans les arbres. Aujourd'hui, 24 septembre, la région célèbre l'anniversaire de Santa Cruz. Les gens ont pour habitude de se rendre à Cotoca pour faire la fête. La ville est donc très vivante, beaucoup de monde est présent sur la place, les stands de nourriture tournent à plein régime.
Kaa Iya est d'une richesse incroyable. C'est un parc qu'il faut continuer à protéger pour sa biodiversité unique. Nous remercions les rangers pour cela. La rencontre avec un jaguar vaut tous les efforts du monde. Même si ce parc abrite la plus grande densité de félins de Bolivie, en voir, ça se mérite ! Pour les moins aventuriers, ici il n'y pas de structure dédiée aux touristes, un séjour au Kaa Iya est vraiment une aventure fatigante et inconfortable, mais le genre d'aventure dont on se souvient !
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